Expotec abrite une variété d’objets du plus petit au plus grand. Cela va de la machine à vapeur et ses tonnes de métal au caractère d’imprimerie de quelques grammes.
Il n’y a donc rien d’anormal de tomber de temps en temps sur une pièce échappant habituellement au regard mais qui mérite toutefois qu’on s’y attarde.
Parmi ces pièces, il y a les numéroteurs.
Et pour ceux qui l’ignoreraient, un numéroteur sert à numéroter 😉
Qu’est-ce donc ?
Le numéroteur se présente sous la forme d’un bloc compact en acier. Il sert à imprimer une succession de nombres (ex. : 1, 2, 3, 4, 5, 6…).
Pendant des décennies il a été utilisé pour imprimer des numéros uniques sur des billets et tickets (ticket de piscine, billet de concert…).
La photo de droite montre une particularité de ce modèle : il peut ignorer les zéros non significatifs. Par exemple, il peut imprimer la série 000001, 000002, 000003 etc. tout comme la série 1, 2, 3 etc. Cela explique que les zéros suivant le premier 0 sont plus enfoncés.
Il fait 23,56 mm de haut, la même hauteur que tous les caractères d’imprimerie.
Pour être précis, il fait un peu plus de 23,56 mm. Sur la photo de droite, le 0 situé à gauche est effectivement à cette hauteur. Le poussoir orné de “N°” à droite est plus haut.
Un poussoir
Le numéroteur typographique est entièrement mécanique, il faut donc une force physique pour entraîner le mécanisme et passer d’un nombre à un autre. Cette force est fournie par le pressage inhérent à la typographie et c’est pour cette raison que le poussoir est plus haut.
De profil on peut voir que le “N°” du poussoir peut être changé. Étant donné qu’il subit des pressions répétées, cela permet de le changer pour un neuf quand il devient trop usé, voire pour une autre inscription.
Certains numéroteurs comme le numéroteur CMC-7 (voir plus bas) ne sont pas équipés de poussoir. Il faut en ajouter un et le relier au numéroteur par un système de tringlerie.
Une histoire de chiffres
Les numéroteurs fonctionnent soit en incrémentant (1, 2, 3…) ou en décrémentant (3, 2, 1…).
Certains modèles, comme le Bimatic présenté à droite, peuvent faire les deux. Il suffit de tourner la vis pour obtenir le sens recherché.
On pouvait utiliser plusieurs numéroteurs pour une même composition. Deux cas pouvaient se présenter :
numérotation de carnets de billets : un numéroteur pour le billet et un numéroteur pour la souche, les deux numéroteurs devant être parfaitement synchrones,
impression de plusieurs exemplaires dans la même composition : les numéroteurs devaient être réglés chacun sur un numéro particulier, à charge pour le typographe et l’imprimeur d’éviter que les numéroteurs ne répètent des nombres déjà imprimés.
Les cas les plus tordus combinaient la numérotation de carnets de billets avec souche et plusieurs exemplaires dans la même composition, un véritable casse-tête.
Dimensions
Le numéroteur le plus répandu fait 4×8 cicéros.
La photo de droite met en évidence ces dimensions avec des lingots de 4×8 (longueur=8, profondeur=4).
D’autres dimensions existent cependant.
Cela permet de disposer notamment de plus de chiffres ou d’une taille de chiffre plus ou moins grande.
Le numéroteur CMC-7
Présenté comme ça, beaucoup de personnes vous diront que le terme CMC-7 ne leur évoque rien. Et pourtant, peu de Français n’y ont pas été confronté.
Prenez votre carnet de chèques et regardez en bas la zone blanche d’un peu moins de 2 cm avec des chiffres hachurés.
Ces chiffres permettent d’identifier de manière unique n’importe quel chèque.
Mais s’ils sont hachurés, ce n’est pas par souci esthétique. Ils ont été conçus pour être lus par une machine. La machine ne cherchera pas à y voir des chiffres tels que vous les voyez. Elle va évaluer la longueur des blancs entre ces hachures : blanc long ou blanc court.
Le 7 de CMC-7 vient de ce que chaque chiffre est constitué de 7 bâtonnets. 7 bâtonnets, 6 intervalles donc 64 possibilités (2^6). Le CMC-7 a été conçu pour supporter non seulement des chiffres mais aussi des caractères alphabétiques, particularité qui ne sera jamais utilisé.
CMC-7 signifie Chiffre Magnétique Codé 7. Magnétique ? Et oui ! L’encre utilisée pour imprimer ces chiffres est spéciale. Elle peut être magnétisée.
C’est d’ailleurs après magnétisation que les chiffres seront lus. Il existe une police de caractères CMC-7 disponible mais si vous vous amusiez à créer des faux chèques avec cette fonte, ils seraient de toute façon refusés car ils n’auraient pas été imprimés avec l’encre spéciale.
Pour la petite histoire, cette norme est française et a été inventé par Bull dans les années 60.
On se rend vite compte des progrès de l’informatique et des outils qu’elle apporte lorsqu’on réalise une simple carte de visite. Il existe cependant quelques problématiques auxquelles l’informatique individuelle voire professionnelle ne peut apporter de solution.
Par exemple, la carte décrite dans ce billet utilise un papier cartonné avec un relief et une encre argentée. Le papier est tellement épais qu’il ne passe pas dans la plupart des imprimantes car il est 5 fois plus épais qu’une feuille A4 80g classique ! Quant à l’encre argentée, elle ne court pas les rayons high tech. Ajoutez à cela que le relief limite encore le choix du type d’impression…
Il aura fallu un minimum de 3 heures pour qu’un novice réalise cette carte, avec l’aide d’un professionnel, de la conception à l’impression.
La composition a été réalisée de façon traditionnelle :
chaque caractère a été récupéré dans une casse un à un et placé dans un composteur,
les lignes composées sont ensuite placé dans une gallée,
la gallée est amenée sur le marbre pour ensuite être vidée bloc par bloc au sein d’un chassis,
des lingots sont disposés de chaque côté de la composition à l’intérieur du chassis pour bloquer le tout,
le chassis, une fois vérifié le bon maintien de chaque caractère, est amené sur une presse.
Toutes ces étapes aboutissent à cette composition :
La photo est trompeuse car la composition a déjà passé plusieurs essais, les œils ne sont pas aussi propres, c’est l’encre argentée qui leur donne cet aspect !
Note : Non, il n’y a pas de faute d’orthographe à “œils” : l’œil en typographie correspond au relief du caractère d’imprimerie (partie du caractère qui laisse son empreinte au tirage) et cet œil-là prend un s au pluriel et ne donne pas “yeux”.
Pour cette carte de visite, c’est une presse (on parle aussi de platine) Heidelberg de 1960 qui a été utilisée :
En haut à gauche, on peut apercevoir une composition dans un chassis lui-même installé dans la platine. Là aussi il y a tricherie : il ne s’agit pas de la composition de la carte de visite présentée dans ce billet (les rouleaux sont tout noir alors qu’ils devraient être couleur argent).
Les presses de ce type nécessitent toujours quelques tours pour rien le temps de caler les derniers détails avant de lancer l’impression en masse.
Étape
Image
On réalise le premier essai avec la presse “réinitialisée” : pression au minimum, réglages par défaut…
Les premiers essais se font sur du papier blanc, moins coûteux que le papier final désiré.
La composition utilise 2 polices de caractères (Antique 16 gras et Europe 12 gras) ainsi qu’un caractère supplémentaire nécessaire pour l’adresse email : l’arobase (qui se trouve être en taille 10 et non 12…).
Le deuxième essai a été réalisé après avoir mis un “coup de boule” (la pression a été augmentée).
Le bloc de lignes du bas (adresse, téléphone, mail, web) mériterait d’être scindé de façon plus visible et d’être amené plus bas.
Il en va de même pour le nom.
Il reste néanmoins un trou qu’il serait bon de remplir. Pour cela, on repère son milieu et on va placer le bas de la vignette à ajouter sur cette ligne.
On en profitera également pour corriger la position du premier z de l’email car il a descendu lors des précédentes manipulation.
Le quatrième essai semble bon, on va pouvoir passer sur le papier final.
Contrairement à ce qui se passe avec l’informatique, le choix de la vignette ne se fait pas parmi une collection de dizaines de milliers de cliparts. Il existait autrefois des catalogues de vignettes mais l’atelier typographique du CHS n’en dispose pas d’autant.
Petite erreur de parcours, le papier rouge est légèrement plus petit que le papier blanc, il va donc falloir remonter les lignes.
On en profitera également pour changer le I du nom de famille car la lettre est un peu abimée.
Tadam ! Les modifications apportées auront été les dernières.