C’était quoi “être typographe” au 19e siècle ?

Plaque prête à imprimer
Composition par caractères mobiles

Google Books, le tant décrié, est une mine d’informations à qui s’intéresse à l’histoire du travail des hommes. Allons y faire un tour pour découvrir ce qu’était un typographe au 19e siècle.

Tout d’abord, il convient de s’accorder sur le sens du mot typographe.

Pour Wikipedia, il s’agit d’un artisan ou un ouvrier travaillant dans le domaine de la typographie, les deux principaux aspects du métier comprenant le compositeur (chargé de composer les textes en assemblant les caractères mobiles) et le pressier (chargé de faire fonctionner la presse typographique).

Ce que nous disent les livres de l’époque

Au 19e siècle, une réelle distinction était toutefois faite entre compositeur et pressier :

Ne confondez pas le typographe ou compositeur avec l’imprimeur ou pressier. Ces deux agents d’un art merveilleux sont séparés par un grand intervalle dans la hiérarchie des fonctions de l’imprimerie. L’un préside à la première transformation que subit la parole visible, l’autre ne fait que diriger la machine qui doit la répéter aux yeux par des milliers d’échos.

Le compositeur typographe – Paris, ou le livre des cent-et-un, 1832,
volume 5, page 277

Autrement dit, le typographe travaillait du cerveau quand le pressier travaillait de ses bras.

Il était d’ailleurs un interlocuteur incontournable pour tout auteur à l’époque et, en tant que tel, se devait à un minimum de culture :

Un Typographe doit être un homme instruit ; il ne saurait en effet avoir des connaissances trop étendues dans les lettres, les sciences et les arts, car il est souvent consulté par les auteurs, et quelquefois même devient leur arbitre. Il n’arrive que trop souvent qu‘un auteur, pour se justifier de ses propres fautes, les rejette sur son imprimeur ; il importe donc que celui-ci puisse au besoin l’avertir de ses négligences. Dès-lors il s’associe en quelque sorte aux œuvres de son auteur, dont naturellement il est le premier juge, et, sous ce rapport, se rend responsable des ouvrages qui sortent de ses presses. S’il ne peut posséder à fond toutes les connaissances désirables, il doit au moins en entendre assez le langage et les termes, pour ne pas se trouver étranger à quelque manuscrit qu’on puisse lui présenter.

Il serait injuste d’exiger les mêmes connaissances de la part des ouvriers : cependant l’instruction ne peut jamais nuire ; et pour devenir un bon compositeur, l’apprenti doit avoir fait ses premières études, bien connaître la langue française, être instruit dans le latin, savoir au moins lire le grec ; et par la suite, s’il le peut, étudier quelque langue vivante.

Connaissances préliminaires – Manuel pratique et abrégé de la typographie française, 1826
seconde édition, page 30

Miller & Richard setting stick
Composteur, l’outil indispensable du typographe

Pour instruit qu’il fut, le typographe n’en restait pas moins ouvrier, avec la rémunération et le statut social que cela sous-entend.

Quelle est sa condition sociale ?
Dans quelle classe le ranger ?
Est-il artisan ou clerc ?
Est-il du peuple ou du monde ?

Il se sent déplacé quelque part qu’il se pose. La société, ce livre si méthodique, l’a oublié dans ses savantes divisions et dans sa table des matières. Il est ouvrier, car il vit de salaire, et il travaille pour un maître ; il est du peuple par son origine, ses alliances, les habitudes de sa vie ; et toutefois son instruction, sa coopération aux œuvres de l’esprit le rapprochent des classes les plus éminentes. Peu de carrières lui sont ouvertes ; si jamais il parvient à la fortune, ce sera par des voies non frayées. Vous pourrez le retrouver écrivain, artiste, homme de guerre, homme d’état, plutôt que maître imprimeur : il ne fera pas souche d’Elzevir, d’Estienne, de Didot. Il faut des capitaux ou du crédit pour fonder une maison d’imprimerie : le typographe est sans patrimoine, sans moyens de s’enrichir ou d’emprunter : ce n’est pas lui qui spéculera sur la dot de sa femme (si femme il prend) ; et quant à sa banque, c’est-à-dire son salaire de la semaine, il est rare qu’il la voie s’enfler par l’épargne et par la puissance de l’intérêt composé. La journée du typographe, et du plus habile, ne va guère au delà de six francs ; et, si vous supputez la somme de son revenu annuel, ne multipliez pas 365 par 6 : toutes les journées ne sont pas comptées au typographe ainsi qu’au fonctionnaire de l’état, comme journées de travail : déduisez, s’il vous plaît, les chômages forcés ou volontaires.

Le compositeur typographe – Paris, ou le livre des cent-et-un, 1832,
volume 5, pages 280 à 282

Le coupoir, un des outils du typographe

“Paris, ou le livre des cent-et-un” date de 1832, cela explique la haute tenue en estime que l’auteur a du typographe vis-à-vis de la machine :

La mécanique est déjà parvenue à disputer [au pressier] son emploi ; déjà, sans lui, l’encre sait se répandre sur les caractères assemblés et serrés dans un cadre ; la feuille blanche s’étendre sur la forme, se glisser sous la presse, et sortir de l’instrument muet empreinte de la pensée et de la voix du génie. Ainsi le pressier voit son poste envahi par un ouvrier plus laborieux que lui, et qui n’est pas, comme lui, sujet à la faim, à la fatigue, au sommeil.

Le typographe est à l’abri d’une semblable disgrâce : il défie la force de la matière de suppléer son activité intelligente : il n’est subtile combinaison de ressorts et d’engrenage qui puisse enseigner aux doigts d’un automate à chercher dans la casse le type correspondant au caractère écrit, et à le ranger dans le composteur : car il faudrait que l’automate sût lire.

Le compositeur typographe – Paris, ou le livre des cent-et-un, 1832,
volume 5, page 277

L’auteur n’imaginait pas que, déjà, de nombreuses personnes pensaient à l’automatisation de la tâche du typographe et que cela aboutirait 50 ans plus tard à la création de machine dont la plus fameuse est la Linotype (1885) qui tiendra sa position pendant presque un siècle. Mais la Linotype n’était pas la seule car la photocomposition en étaient déjà à ses débuts bien qu’elle mettra plus de temps pour s’imposer et la détrôner.

Le 19e siècle est donc l’âge d’or du typographe.

Composition d’hier, composition d’aujourd’hui

Avec nos ordinateurs et imprimantes d’aujourd’hui, il n’est pas évident de se rendre compte du temps qu’un typographe pouvait passer à composer une page et à fortiori un livre.

Les typographes aguerris pouvaient composer à la vitesse de 750 ems par heure. Cela ne vous parle pas ? Un em correspond à la taille d’une lettre m.

Par exemple, les deux lignes suivantes font toutes les deux 10 ems :

mmmmmmmmmm
iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii

Extrait du “Compositeur typographe”

La page situées à droite fait 26 ems de large et comporte 28 lignes, sans compter le titre et le numéro de la page.

Cela nous donne un total de 728 ems (28 lignes × 26 ems).

On peut estimer qu’il a fallu à peu près une heure au typographe pour la composer.

Le livre complet fait 410 pages. En extrapolant, il faut 35 journées de 12 heures (ils n’étaient pas aux 35 heures 😉 ) pour composer ce livre pour un typographe.

Il m’a fallu 3 minutes et 35 secondes pour la retaper, soit une vitesse d’environ 12000 ems par heure…

Comment expliquer cette différence ? Il y a plusieurs raisons. Le typographe doit d’abord récupérer dans une casse chaque caractère. Dans le cas d’une composition comme celle de droite, les personnes ayant les doigts fins sont avantagées car certaines cases peuvent faire 3 cm de large. Tout comme la personne frappant au clavier, la position des caractères finit par être sue par cœur mais une casse occupant 2 à 3 fois la surface d’un clavier de machine à écrire, les déplacements de la main sont plus longs. Ce qui entraîne une autre lenteur : le typographe tient le composteur de la main droite et récupère les caractères de la main gauche quand la frappe au clavier se fait avec les deux mains. Ajoutez à cela que le typographe vérifie le bon sens dans lequel il place le caractère, qu’il doit faire la justification de la ligne manuellement…

Si vous voulez vous rendre compte par vous-même de ce que représente cette tâche, nous serons heureux de mettre à votre disposition l’atelier typographique du CHS. Rien ne vaut l’exemple par la pratique !

Exposition de véhicules anciens

Dimanche 14 mars, 15h, le Moulin Saint-Gilles accueille une exposition d’une vingtaine de véhicules anciens.

Ce sera l’occasion de ressortir le moteur Simplex, pour des démonstrations, et le moteur Mustad, pour des explications.

Entrée du Moulin Saint-Gilles
Moulin Saint-Gilles

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Fabrication du pain au CHS

Four banal de la Pannevert
Four banal de la Pannevert

Si vous consultez ce site de temps à autre, vous n’aurez sûrement pas manquer le fait que nous organisons les 1er et 3e vendredis de chaque mois une vente de pain.

Ces ventes sont une source de revenus pour l’association et lui permettent d’aborder de nouveaux projets.

Cette activité est très représentative des différentes actions du CHS : notre association n’a pas vocation à uniquement retaper des vestiges du passé mais également de leur redonner vie par l’activité des hommes.

Le four banal de la Pannevert a été démonté d’une ferme de la région, remonté et restauré à son emplacement actuel. Le rendez-vous bimensuel du vendredi est l’occasion de le faire fonctionner comme autrefois.

Fonctionnement du four

Schéma du four
Schéma du four

Le four banal de la Pannevert est un four traditionnel à bois.

Il est tellement traditionnel qu’il n’y a pas d’électricité du tout ! Même pour la lumière 😉

Il fonctionne sur le principe d’une cheminée de maison à la différence près que le conduit de la cheminée n’est pas en liaison directe avec le foyer comme le montre le schéma.

Une cheminée de maison est conçue pour rayonner et diffuser la chaleur générée par la combustion du bois.

Le four traditionnel est conçu pour garder la chaleur. Il faut donc en limiter les pertes, d’où l’utilisation de briques et d’argile.

Chauffer un four de ce type revient à allumer un feu dedans et de laisser les braises amener l’amener à bonne température (plus de 200°C).

Plusieurs paramètres influent sur le temps nécessaire pour atteindre la température voulue en fonction du type de pain souhaité :

  • la température,
  • l’humidité,
  • l’état du bois utilisé.

Préparation du four

Thermostat
Vérification de la température

L’utilisation régulière du four a permis à Franco et Georges, nos deux boulangers, de pouvoir en déterminer empiriquement la température.

Pour la déterminer plus finement, ils disposent d’un thermostat spécial, sorte de cadran sur une grande tige (environ 60 cm), qu’ils insèrent dans un trou prévu à cet effet sur la porte du four.

Il faut toutefois quelques minutes avant qu’il ne donne la valeur exacte.

Sur la photo, on peut voir Franco consultant le thermostat venant d’être installé (il n’affiche pas encore 50°C).

Cendres
Cendres

Pour atteindre la température, on allume le four la veille pour le matin ou le matin pour le soir.

Une fois la température atteinte, il faut nettoyer le four.

Tout d’abord, les cendres doivent être retirées au moyen d’une grande raclette.

Elles sont extraites du four et tombent dans un bac prévu à cette effet au pied du four.

Sur la photo on peut voir les braises encore rouges.

Les cendres retirées du four, il faut ensuite le nettoyer.

Le but est quand même de pouvoir y faire cuire du pain 😉

Franco
Franco nettoie le four

L’instrument utilisé est une sorte de balai-serpillière : un manche terminé par un gros morceau de tissu qu’on trempe dans l’eau pour nettoyer.

L’opération présente aussi l’avantage de réhumidifier l’intérieur du four qui a été très asséché par la température élevée.

Le four nettoyé, le pain va pouvoir être enfourné.

Mais pour cela, la pâte aura été préparée à l’avance au Moulin Saint-Gilles (Expotec) car c’est là-bas que se trouve le pétrin, machine indispensable pour réaliser le mélange des ingrédients.

C’est la petite entorse au côté traditionnel du pain du CHS. Il est techniquement possible de s’en passer mais c’est un peu plus… fatigant.

Réalisation de la pâte

Ingrédients
Ingrédients

Les ingrédients de base de la pâte à pain sont :

  • la farine,
  • la levure,
  • l’eau.

On trouve très fréquemment du sel pour le goût dans les ingrédients même s’il n’est pas indispensable (il existe du pain sans sel).

Quelques-unes de nos recettes sont consultables.

Les ingrédients sont mélangés dans un pétrin. Il s’agit d’un grand bol tournant dans lequel tourne une barre en tire-bouchon.

Pétrin mécanique
Pétrin

Quand les ingrédients sont suffisamment bien mélangés, ils forment une pâte que Georges place dans des bacs. La pâte va ensuite gonfler sous l’effet de la levure.

Pâte à pain
Pâte à pain

Façonnage de la pâte

Georges et Franco
Georges et Franco façonnent la pâte

Après avoir reposé, la pâte peut être amené du Moulin Saint-Gilles au four banal de la Pannevert.

Il s’agit alors de la façonner pour lui donner la forme et le poids désiré.

Un plan de travail en inox est utilisé sur lequel un peu de farine est éparpillée afin d’éviter que la pâte ne colle (on parle de plan fleuré).

La forme définitive du pain dépend également d’entailles réalisées juste avant l’enfournage au moyen d’une lame de rasoir (pain traditionnel et pain brié) ou d’une paire de ciseaux (les petites pointes sur les brioches).

Envelopement des boules de pain
Protection du pain

Comme il n’est pas évident de synchroniser la température du four avec la préparation des portions de pain, on protège ces derniers de la poussière au moins d’un tissu.

Poussière ? Oui car le fait de sortir les cendres du four va forcément en générer.

La plaque est ensuite placé dans une armoire spéciale jusqu’à ce que le four soit prêt.

La cuisson en elle-même est probablement ce qui prend le moins de temps par rapport à la préparation du four et à la réalisation de la pâte.

Intérieur du four
Pain en train de cuir

Voici une galerie de photos :