Le 3 juin 2011, à 18h, l’esplanade de la Pannevert est officiellement devenue l’esplanade Jean-Pierre Engelhard.
Valérie Fourneyron, Députée Maire de Rouen, a prononcé un discours, accompagnée de Guy Pessiot et Christine Rambaud, Adjoints au Maire.
Retranscription du discours de Valérie Fourneyron, Députée Maire de Rouen :
[…] chers amis, vous qui avez, durant des années, suivi ou accompagné son parcours.
Il y a deux mois, le 1er avril 2011, j’ai proposé au conseil municipal de la ville de Rouen de dénommer esplanade Jean-Pierre Engelhard le lieu où nous sommes rassemblés en cette fin de journée. La délibération fut d’ailleurs adoptée à l’unanimité, ce n’est pas le plus fréquent dans notre institution.
Le Robec et ses rives sont un symbole de l’histoire industrielle et du passé ouvrier de notre ville de Rouen. C’est ici, en effet, qu’au tout début du 19e siècle, les moulins qui jusqu’alors produisait la farine sortirent de ce qu’on appelle le « domestic system » pour alimenter par leur énergie l’industrie textile naissante. Jean-Pierre Engelhard aimait à dire qu’on pourrait bientôt pêcher des écrevisses dans le Robec. Il est vrai que ces eaux ont peu à peu perdu leurs couleurs aussi pittoresques que peu naturelles pour retrouver un peu de clareté.
Désormais, le Robec est également attaché à la mémoire d’un homme, Jean-Pierre Engelhard, à qui aujourd’hui nous rendons hommage.
Jean-Pierre avait d’abord de nombreux talents. Le premier n’était sans doute pas de savoir parler de lui-même. Il avait l’humilité des sages et s’effaçait volontiers devant l’œuvre collective. Jamais il n’oubliait les quelques 200 adhérents de l’association et les nombreux acteurs mobilisés par les chantiers d’insertion, les chantiers du patrimoine. Jamais non plus il n’oubliait sa famille étroitement associée à son œuvre. Les témoignages de ses enfants et de ses petits-enfants montrent, bien au-delà des liens du cœur, les valeurs léguées par Jean-Pierre Engelhard qui transcendent les générations.
La famille, c’est aussi la figure de ce grand-père passionné d’histoire qu’était Charles Engelhard. C’est certainement lui qui a donné à Jean-Pierre le goût des autres, cette curiosité jamais totalement satisfaite pour les hommes et pour leur combat.
La famille c’est encore cette autre figure, celle d’un père, chef de la résistance à Duclair. De ce père, Jean-Pierre Engelhard tenait son refus des totalitarismes, son amour de la justice. Fort de cette éducation, Jean-Pierre Engelhard est avant tout un homme de convictions. Ses idées sont chevillées à sa grande silhouette et à ses éternelles sandales. Ainsi, les guerres coloniales ne lui sont pas indifférentes. Au contraire, dans les années 50, son activisme militant en faveur de l’émancipation du peuple algérien, lui vaut quelques démêlées, heureusement sans trop de gravité, avec la justice. Son diplôme d’électricien en poche Jean-Pierre s’engage ensuite sur divers chantiers à travers le monde : l’Ukraine, la Hollande, le Portugal, le Sahara. C’est le temps des premières expériences syndicales, des premiers conflits sociaux.
Vient ensuite ce qui est certainement l’œuvre de sa vie, le Centre d’Histoire Sociale, qu’il créa d’abord chez lui, puis ici au Moulin de la Pannevert et qu’il anima durant plus de 25 ans. Le CHS est dédié, je cite, « aux Hommes de Normandie qui ont contribué à la grandeur de la France, au progrès de l’humanité ». En effet, il s’agit bien de rendre hommage au travail et aux efforts des femmes et des hommes qui ont fait la richesse industrielle de notre région. Avec la rénovation de machine à vapeur, d’atelier typographique, de four à pain, de moulin. Un patrimoine exceptionnel est mis en lumière. Et ici aussi cette place, peut-être certains l’ont déjà vue, est mise en lumière.
Mais avant toute chose, c’est le labeur des plus humbles dont l’histoire ne retient jamais les noms qui est aujourd’hui honoré. Pour Jean-Pierre Engelhard, la transmission de la mémoire, va bien au-delà de la simple collecte d’outils ou de témoignages même s’il les a beaucoup entassés et j’ai cru comprendre qu’il fallait beaucoup les trier.
Il s’agit d’un véritable combat social pour que l’ouvrier soit reconnu à sa juste valeur. Jean-Pierre Engelhard n’a eu de cesse de le transmettre et ses effrots sont aujourd’hui récompensés, Sylvain, puisque tu as repris le flambeau. Je veux t’assurer de l’écoute et du soutien des élus rouennais car nous aurons à cœur de vous permettre ensemble de perpétuer l’œuvre de votre père.
Jean-Pierre avait reçu la médaille d’or du dévouement et du mérite en 2003 ; le 9 novembre 2009, à l’occasion des 25 ans du CHS, je lui remettais dans l’abbatiale Saint-Ouen, ce beau moment que nous avions partagé, Josée, la médaille d’honneur de la ville. Un nouvel hommage est rendu aujourd’hui à Jean-Pierre Engelhard avec l’inauguration de cette esplanade, juste devant ce moulin, juste devant ce chêne, qui vient d’Allouville-Bellefosse, qu’il avait lui-même planté avec ses amis des chantiers du patrimoine.
Mais le plus bel hommage que nous lui rendrons et je sais que nous n’avons les uns et les autres aucun mal à le faire, c’est de conserver dans nos cœurs, nos pensées, le souvenir de cet homme juste, à l’activité infatigable, aux convictions solidement trempées dans l’histoire sociale. Je le disais, il y a quelques instants, le Centre d’Histoire Sociale est dédié aux Hommes de Normandie qui ont contribué à la grandeur de la France, au progrès de l’humanité.
Incontestablement, Jean-Pierre Engelhard est de ceux-là, merci à lui !
Le reste des photos de l’inauguration est consultable en cliquant sur ce lien