Dimanche 19 septembre 2010 à 12h sur l’esplanade de la Pannevert, Valérie Fourneyron [1] prononçait un discours à l’occasion des Journées du Patrimoine. Pour qui n’a pas pu y assister, voici sa retranscription :
Mes chers amis, cher Sylvain Engelhard.
Beaucoup de plaisir et à la fois, tu l’as dit Sylvain, beaucoup d’émotions à se retrouver aujourd’hui comme on se retrouve tous les ans depuis des années à l’occasion de ces journées du patrimoine, ce moulin de la Pannevert (alors qu’une des fournées, je veux dire, vient de se terminer, on attendra celle de 15h30 dans quelques heures) pour la première fois sans la grande carcasse de ton père, sans ses sandales, sans son histoire, sans sa passion, sans cet engagement des grands hommes qui font le patrimoine, qui est le thème des journées du patrimoine cette année en 2010 et qui va si bien.
C’est vrai qu’on a eu l’occasion, pour les 25 ans au sein du CHS, de lui remettre cette médaille de la ville, au sein de l’abbatiale Saint-Ouen, et de voir combien notre patrimoine monumental avait pu à cette occasion se confronter, dialoguer avec l’ensemble du patrimoine industriel, qu’a pu mettre à niveau, récupérer, sauver, faire acte de pédagogie, de compréhension autour des plus jeunes comme c’est le cas depuis la construction, depuis la mise en place par des bénévoles toujours nombreux et que je veux moi aussi, une nouvelle fois, saluer comme tu l’as fait.
Des bénévoles très nombreux qui ont permis la construction de ce CHS, cette route des Moulins, ce parcours qui, c’est vrai, tu as raison, est encore insuffisamment connu et pourtant un joyau si important dans l’histoire de la ville.
Nous somme nombreux, les élus, à être là ce matin, pour en témoigner, pour témoigner de cette envie que nous avons d’aller plus loin, de regarder avec vous la place d’une roue à aube sur la place Saint-Hilaire, nous allons y travailler avec les services de la ville, avec les élus qui sont là. Je vois, les plus jeunes d’entre nous comme les plus anciens, Ludovic Delesque [2], Caroline Dutarte [3], Robert Foubert [4], Yvon Robert [5].
Nous savons tous, les uns et les autres, combien l’histoire du CHS, combien Expotec, combien Jean-Pierre Engelhard aujourd’hui Sylvain Engelhard, aujourd’hui toutes celles et tous ceux qui font vivre cette histoire patrimoniale collective autour de ces eaux qui sont l’essence même de la ville, ces eaux du Robec, nous y sommes particulièrement attentifs, et nous voulons, ensemble, pouvoir écrire une nouvelle page de cette histoire
Même si elle est dans la lignée que celle que nous a donnée Jean-Pierre, elle a un socle solide, et c’est ce socle solide aujourd’hui qui nous permet de regarder l’histoire avec optimisme avec tout simplement la joie, une nouvelle fois, de partager ce moment ensemble et de pouvoir le faire vivre dans la durée.
Donc merci à toutes et à tous de partager une nouvelle fois ce moment et de nous permettre ensemble, dans le rôle que nous avons les uns et les autres, l’ensemble des collectivités publiques, des inquiétudes que nous avons, bien sûr, sur les moyens publics, qui sont donnés à l’ensemble du mouvement associatif qui n’a pas l’air d’être une priorité nationale, c’est peu de dire le contraire et merci de nous permettre de nous retrouver à l’occasion de la valorisation, une nouvelle fois, de ce patrimoine, qui est le nôtre, qui est le patrimoine qu’ont permis d’entretenir beaucoup de grands hommes dont faisait partie Jean-Pierre Engelhard.
Valérie Fourneyron est Députée Maire de Rouen élue en mars 2008. Elle est présidente du conseil d’administration du CHU de Rouen et vice-présidente du conseil de surveillance du grand port maritime de Rouen. En 2009 elle remettait à Jean-Pierre Engelhard la médaille d’honneur de la ville de Rouen.
Ludovic Delesque est Conseiller municipal, recevant délégation, en l’absence ou en cas d’empêchement de Christine Rambaud, en matière de jeunesse, équipements destinés à la jeunesse.
Caroline Dutarte est Adjointe au Maire chargée des Affaires sociales et de l’Insertion. Elle reçoit délégation en matière de politique sociale, Contrat Urbain de Cohésion Sociale, relations avec le Centre Communal d’Action Sociale et autres institutions ou organismes à vocation sociale, insertion sociale.
Robert Foubert est Adjoint au Maire chargé des Affaires générales, des Affaires militaires, des Personnes en situation de handicap et de la Commission Communale d’Accessibilité.
Yvon Robert est Premier adjoint au Maire chargé de l’Agenda 21, de l’Urbanisme et du Logement. Il reçoit délégation notamment en matière d’Agenda 21, d’aménagement urbain, de politique foncière, d’actes fonciers et immobiliers, de Plan Local d’Urbanisme, d’urbanisme réglementaire, de rénovation urbaine et secteur sauvegardé, d’immeubles menaçant ruine. En 2000 il inaugurait le Mémorial aux Hommes de Normandie au Moulin Saint-Gilles.
Les journées du patrimoine 2008 se tenaient du 20 au 21 septembre.
Au programme cette année-là :
visite des expositions et des ateliers en mouvement à Expotec,
présentation du moteur Winterthur et du compresseur Spiros en cours de remontage,
promenade au jardin de plantes tinctoriales,
cuisson de pain au four banal de la Pannevert,
randonnée-découverte “La route des Moulins”,
exposition “Les couleurs de Rouen”, des siècles de teinture sur les rives du Robec et de l’Aubette inaugurée par Valérie Fourneyron, députée-maire de Rouen,
Le 9 novembre 2009, pour l’inauguration de l’exposition des 25 ans du CHS, Valérie Fourneyron, députée-maire de Rouen, a prononcé un discours dont vous pouvez trouver la retranscription juste après le lecteur.
Retranscription :
25 ans du Centre d’Histoire Sociale
Cher Jean-Pierre Engelhard
Mesdames et messieurs les élus
Monsieur le Conservateur en Chef
Madame l’Architecte des Bâtiments de France
Chers adhérents du CHS
Chers amis
J’ai un très grand plaisir de célébrer ces 25 ans dans cette abbatiale Saint-Ouen et de le faire le jour anniversaire de la chute du mur de Berlin, commémoration de 20 ans de libertés retrouvées.
C’est un grand plaisir de vous recevoir ce soir à l’occasion de cet anniversaire dans notre abbatiale Saint-Ouen. “Ce lieu m’a toujours donné une sublime impression, je ne compare aucune église à celle-là”. Ces propos d’Eugène Delacroix sur l’abbatiale montrent combien ce magnifique édifice ne laisse personne indifférent.
Un lieu exceptionnel que nous ouvrons de plus en plus souvent aux Rouennais et à beaucoup d’autres à travers des manifestations culturelles. Il y a eu récemment le salon du livre ancien. Il y a eu la confrontation avec l’art contemporain lors des Dessous du patrimoine. Il y a bien sûr il y a quelques jours la liturgie équestre de Bartabas. Avec cette magnifique confrontation avec notre orgue « cavaliécole » (???) qui est juste devant moment et il y a aujourd’hui, je veux dire cette rencontre avec notre patrimoine industriel, cette rencontre entre 137 mètres de long, 33 mètres de voûte et cette réalité de notre histoire collective.
C’est finalement un superbe lieu pour accueillir ces 25 ans. Et, que les contraintes du calendrier ne nous aient pas permis de nous retrouver à la Halle aux Toiles, je pense que c’est une excellente chose du destin.
Et je voudrais remercier toutes celles et tous ceux qui nous ont permis de fêter ces 25 ans ici à l’abbatiale Saint-Ouen, je pense en particulier à tous les amis adhérents du CHS, je pense aussi aux services de la ville, Jean-Gabriel Guyan de la Direction du Développement Culturel, Lionel Guéret-Laferté de la Direction des Manifestations Publiques, la Direction des Relations Extérieures, bref toutes celles et tous ceux, parce qu’on n’imagine bien que ce n’est pas tout à fait simple de se retrouver ici ce soir, qui ont permis ce moment entre nous.
Je sais combien les membres du CHS, défenseurs de la mémoire du travail des hommes, sont sensibles à la beauté du lieu, ainsi qu’à la sueur et au sang qui ont été versés pour permettre la construction de cette édifice. Permettez-moi de vous citer ce soir, je vais prendre le vous cher Jean-Pierre, de vous citer quand vous avez souhaité rééditer ce petit ouvrage de 1731 sur l’abbatiale et que vous écrivez “Quelle merveille, quelle beauté, quelle audace, n’est-ce pas l’œuvre idéale pour parler du travail des hommes et leur imposer le respect. Quels maîtres de la pierre ont pu ciseler un tel joyau, un tel chef d’œuvre qui, commencé en 1339 demanda un siècle pour atteindre cette perfection dans cette unité. Chacune des pierres extraite du fin fond des carrières du Caumont allait jusque là, taillée, assemblée, pour constituer ces piles immenses de ces ogives audacieuses nous contraignent à l’humilité”. C’est vous qui avez écrit ça dans l’introduction de ce petit ouvrage. Car lorsque, Jean-Pierre, vous rentrez dans cette abbatiale vous ne voyez pas seulement ce magnifique édifice gothique, joyau de l’art gothique, vous entrez aussi, et vous voyez aussi le travail colossal accompli par des centaines d’hommes et de femmes qui ont donné de leur savoir-faire, de leur peine, et pour certains même de leur vie pour que cette abbatiale puisse être réalisée.
Des ouvriers d’ailleurs, en ce moment, œuvrent à la poursuite de la restauration de la tour couronnée de l’abbatiale, après les faces nord, ouest, ils travaillent en ce moment à redonner toute sa magnificence à la façade est, et avant de s’attaquer à la façade sud nous en déciderons dans quelques jours au conseil municipal du 27 novembre pour pouvoir attaquer cette dernière face de la tour couronnée de Saint-Ouen.
La confrontation entre cet édifice renaissance et les témoignages de notre histoire industrielle, évidemment, ne vont pas manquer d’interpeler, comme depuis quelques heures les visiteurs de ce lieu.
Les membres du CHS nous ont fait l’honneur d’exposer au sein de cette abbatiale quelques-unes des plus belles machines qui ont marqué l’évolution industrielle de notre territoire, de retracer sur 130 panneaux des grands et des petits moments de notre histoire.
Je ne détaillerais pas le contenu de cette exposition, préférant confier à ceux qui sauront en parler bien mieux que moi mais je voudrais profiter cette inauguration pour parler de l’œuvre, l’œuvre accomplie depuis 25 ans.
Et comment aborder ce travail sans parler du parcours de celui qui en a été l’initiateur, Jean-Pierre Engelhard, son président fondateur ? Je sais, cher Jean-Pierre, que tu n’aimes pas, allez, que l’on te mette en avant et que tu préféres que l’on parle d’une œuvre collective. Je sais combien tu es sensible à ce qu’on oublie pas de citer les 200 adhérents de l’association, ces nombreux bénévoles qui travaillent à tes côtés.
Mais permettez-moi de déroger un peu ce soir à l’occasion de cet anniversaire. Car l’histoire du CHS elle est bien intimement liée à ton parcours, à votre parcours, celui d’un homme, Jean-Pierre Engelhard, curieux de ce qui l’entoure, curieux des lieux, curieux des hommes, des femmes, de leur histoire. Cet intérêt jamais rassasié, Jean-Pierre, vous l’avez hérité de votre grand-père, Charles Engelhard, lui-même passionné par l’histoire rouennaise. Charles Engelhard qui a d’ailleurs écrit sur l’abbatiale Saint-Ouen un très beau poème. Je crois que vous nous le lirez tout à l’heure. Dans ce poème où l’on peut ressentir toute l’admiration de votre aïeul pour cet édifice remarquable.
Plus que les monuments, ce qui vous passionne, cher Jean-Pierre, c’est bien le travail, les efforts accomplis par tous ces hommes de notre région. Vous avez d’ailleurs dédié le Centre d’Histoire Sociale aux hommes de Normandie qui ont contribué à la grandeur de la France, aux progrès de l’humanité. Dans ce Centre d’Histoire Sociale, vous avez souhaité associer les plus humbles et ne pas seulement mettre en avant l’histoire des grands hommes.
Dans cet espace unique installé sur la vallée du Robec, à quelques mètres de votre commune Charnicolle Rimasson (???) sur laquelle vous avez également tant œuvré. Vous avez réussi à collecter des témoignages uniques de la région, des témoignages de notre passé industriel qui, sans vous, sans les membres d’Expotec, seraient disparus aujourd’hui.
Chaque fois qu’une usine ferme, qu’un déménagement se prépare, je sais combien vous êtes attentif à la sauvegarde de notre patrimoine industriel. Vous avez ainsi réuni des centaines de témoignages parmi lesquels des pièces uniques, de véritables bijoux de notre passé industriel. Je pense aux machines à vapeur Ernestine et Merlin, au moteur Mustad, à l’atelier typographique, pour ne citer qu’eux, car vous avez réuni tant de trésors, tant de témoignages de notre histoire qu’il serait impossible de tous les citer.
Mais au Moulin Saint-Gilles, vous ne vous contentez pas de sauvegarder quelques-unes de nos plus belles pièces illustrant ce passé, vous les entretenez, vous les faites fonctionner. L’atelier typographique, par exemple, tourne régulièrement pour imprimer l’une des 270 publications du Centre d’Histoire Sociale. Toutes les machines fonctionnent grâce aux efforts de nombreux bénévoles rendant le lieu bien plus vivant que la plupart des musées.
Votre amour du travail des hommes, vous nous le faites partager. Vous transmettez également vos savoirs grâce aux nombreux chantiers d’insertion que vous menez ou grâce à des expositions comme celle-ci. Et pour cela, nous en sommes extrêmement reconnaissants. Vous qui avez hérité du dévouement de votre père, chef de la résistance à Duclair, vous ne ménagez ni votre temps, ni votre sueur, pour que ce travail de mémoire soit mené.
Votre père qui a failli laisser sa vie pour défendre la liberté vous a donné ce sens du combat pour la liberté et pour plus d’équité. Car ce rôle de transmission de la mémoire va bien au-delà de la simple collecte de témoignages. C’est un combat social pour que l’ouvrier soit reconnu à sa juste place. Un combat qui, encore, mérite d’être porté aujourd’hui. Homme de conviction, vous combattez depuis toujours dans ce sens. Vous étiez jeune au moment des guerres coloniales, vous ne resitez pas indifférent. Bien au contraire ! Vous vous engagez, vous vous insurgez comme on sait vous voir encore le faire, vous dénoncez ces guerres inutiles, partez coller des affiches. Et à l’époque, coller une affiche contre la guerre d’Algérie, c’est prendre de gros risques. Cela vous vaudra d’ailleurs quelques sérieux soucis avec la justice. Avec votre diplôme d’électricien en poche, vous vous engagez dans divers chantiers à travers le monde, en Ukraine, au Sahara, au Portugal ou encore en Hollande. Là encore vous participez à l’activité syndicale, un activité difficile alors à mener. Le patronnat était organisé, on était vite repéré, racontez-vous. Parce que plus dur à mener, parce que plus dangereux, le combat n’en est pourtant que plus noble car jamais vous n’avez hésité à lutter pour ce qui vous semblait juste.
Et cette ardeur à combattre pour plus d’équité, pour transmettre à votre quatre petit-fils et l’ensemble des générations suivantes, continue de vous animer. Cher Jean-Pierre, votre œuvre de sauvegarde et de mise en valeur de notre passé industriel est colossale et au nom de tous les Rouennais, au nom de toute la ville de Rouen, je tiens à vous en remercier car cette histoire industrielle, cette histoire des hommes, Rouen doit être fière. Rouen a pour atout d’être une ville riche de grands hommes qui ont marqué l’histoire. Mais elle a aussi pour particularité d’avoir un passé industrialo-portuaire parmi les plus importants de tous. Un passé que nous nous devons de préserver, de mettre en valeur. Et je compte sur vous pour que nous continuions de travailler ensemble à cette noble tâche.
Et au nom de toute la ville de Rouen, au nom de tous les Rouennais, permettez-moi de vous remettre la médaille d’honneur de la ville, signe de notre reconnaissance à tous. Cette médaille d’honneur est décernée aux Rouennais qui ont marqué la ville par leur parcours. Ce soir, c’est un homme avec ses valeurs, c’est un homme avec son humilité, c’est un homme avec son sens du travail que je veux honorer au nom de l’ensemble de la ville de Rouen.